La province de l'Ituri, en République démocratique du Congo, traverse une période de violences et d'insécurité sans précédent, particulièrement dans le territoire de Djugu. Les récents massacres perpétrés par des groupes armés, notamment la milice Codeco, ont provoqué une vive réaction des leaders communautaires de la région. Ces derniers dénoncent l'abandon ressenti par la population et appellent à une action urgente des autorités nationales et internationales pour rétablir la sécurité et la justice.
La situation actuelle a pris une tournure dramatique avec une série de massacres dans la localité de Djaiba, située dans la chefferie de Bahema Bajere, territoire de Djugu. Selon Maître Boniface Londjiringa, président de la communauté Ndo-okebo, ces attaques ont plongé la population dans un état de peur et de désespoir. « Pour tous les Ituriens, il faut avoir un cœur grand pour supporter ce moment qui se présente devant nous. Nous ne l'avions pas voulu, mais nous devons l'accueillir pour le traverser. Que le bon Dieu qui nous regarde puisse vraiment nous secourir et nous aider », a-t-il déclaré.
Les attaques ont débuté dans la nuit du lundi au mardi 11 février 2025, lorsque des miliciens de Codeco ont lancé une offensive meurtrière contre le village de Djaiba, faisant plus de 51 morts. La nuit suivante, du mardi au mercredi 12 février, le même village a été une nouvelle fois attaqué, laissant un bilan provisoire de 4 morts et plusieurs blessés. Ces violences répétées ont exacerbé le sentiment d'abandon parmi les habitants, qui se sentent délaissés par les forces de sécurité et le gouvernement national.
Maître Boniface Londjiringa a exprimé avec émotion le désarroi de la population face à l'incapacité des autorités à assurer leur protection. « Nous sommes à l'état de siège. Ceux qui devaient normalement nous sécuriser avaient dit qu'ils seraient durs, mais nous constatons qu'ils sont peut-être là pour intervenir au moment opportun. Toute la population iturienne compte sur cet état de siège, compte sur nos militaires FARDC, compte sur leur sécurité qu'ils devraient apporter. Mais nous nous sentons abandonnés, abandonnés par le gouvernement national qui a promis la sécurité à l'Est », a-t-il déploré.
Il a également fait référence à la chute récente de Goma, une ville stratégique de l'Est du pays, qui a profondément choqué la population. « Le président de la République avait déclaré que Goma ne tomberait jamais, mais voilà, Goma est tombée. Nous attendons maintenant les rumeurs sur Bukavu, et cela nous fait encore plus peur. Nous disons aux autorités qu'elles doivent prendre leurs responsabilités en main », a-t-il insisté.
S'adressant directement aux groupes armés actifs dans la province, en particulier à la milice Codeco, Maître Londjiringa a lancé un message ferme et sans équivoque. « Permettez-moi de m'exprimer ici d'une manière spéciale à la Codeco : Codeco, trop c'est trop. Aujourd'hui, j'ai entendu que vous avez tué 60 ou 80 personnes, mais vous avez été blanchis par une justification qui ne tient pas debout. Nous avons notre gouvernement, nous avons notre justice. Il y a ici dans notre pays l'auditorat, le parquet, les magistrats qui font leur travail normalement, qui représentent le gouvernement congolais. Pourquoi dire aujourd'hui que vous devez revendiquer votre droit dent par dent, œil par œil ? Le moment de se faire justice soi-même est dépassé », a-t-il déclaré.
Il a également rappelé que les actes d'autodéfense ou de vengeance ne sont pas une solution et que toute action doit être portée devant les instances judiciaires compétentes. « Si vous avez été attaqués, il fallait présenter ces faits devant la justice. Les responsables devraient être condamnés selon la loi », a-t-il conclu.
Les récentes attaques ont non seulement causé des pertes en vies humaines, mais ont également exacerbé la crise humanitaire dans la région. Des milliers de personnes ont été déplacées, cherchant refuge dans des camps de fortune ou chez des proches. Les infrastructures locales, déjà fragiles, ont été gravement endommagées, rendant l'accès aux services de base encore plus difficile.
Les organisations humanitaires présentes sur le terrain tirent la sonnette d'alarme, appelant à une intervention urgente pour protéger les civils et fournir une assistance vitale. Cependant, l'insécurité persistante limite leur capacité à opérer efficacement.
Justin Ndassi
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